L’âne avait fait son apparition au détour du sentier. Le choc des cailloux sous les pas l’avait intéressé, et par curiosité il était descendu les visiter. Il avait voulu les surprendre et, bien malin, s’était posté hors de vue dans l’épingle. De sa longueur en travers, il leur montrait son flan et faisait mine de ne pas les voir, cherchant vaguement du regard une chose qui ne devait pas exister. Venus profiter de la rareté des hommes, ils en avaient oublié le peuplement animal ce qui fît leur surprise. L’âne donc, perturbait leur passage. En tous cas, ils n’essayèrent pas de le forcer, contents de faire cette connaissance. Oubliant leur programme, ils s’ingénièrent alors à l’amadouer. La bête malicieuse sentant leur crainte sourde se prît alors à les gratifier de signes de mauvaise humeur, dont un braiment particulièrement terrifiant. Il en faisait très visiblement un jeu. Dès qu’ils tentaient une vague approche, un signe d’apaisement, des paroles amicales; sa fausse fureur redoublait. Et la montagne s’en faisait l’écho. Ainsi, c’est toute la nature qui savait qu’il se moquait d’eux. La solution vînt après de longues minutes de ce simulacre, ils songèrent qu’il succomberait à la gourmandise. Ils fouillèrent leurs sacs, y dénichèrent une pomme qu’ils se réservaient pour une pause après les chaleurs de l’après-midi. Ils lui présentèrent. L’âne avait déjà abandonné son spectacle, sentant qu’une gratification lui serait réservée. La pomme présentée, l’animal tourna la tête, et les regardant leur décocha son plus doux regard. Ses yeux plongèrent dans celui des importuns et la nature fît son œuvre, ils se sentirent tous unis par la quiétude de l’instant. Alors, ouvrant sa bouche, il croqua le fruit. Puis, se fît le plus gentil des compagnons se laissant caresser longuement. Il leur rendit ce plaisir en frottant sa tête contre leurs épaules. Le moment de grâce se termina par l’accord muet de se quitter. Mais longtemps après, encore, ils l’entendirent se rappeler à eux, le doux mais puissant braiment rebondissait sur les pentes et leur parvenait.
Il n’y a pas meilleur compagnon que celui que l’on doit apprivoiser.
