La nuit était à venir.
Au loin déjà quelques lumières brillaient qui éclairaient les intérieurs. Tu imaginais les gens qui s’occupaient à quelques tâches de fin de journée mais tu marchais. Tu marchais en t’éloignant de la ville par ce vieux chemin mal entretenu que l’on nommait pourtant rue. Il montait sur les hauteurs. Vers les champs. Ces derniers vestiges d’une agriculture qui a presque disparu par ici. Pas très loin, la Beauce avait définitivement réduit à néant l’utilité de ces espaces sans doute voués à un futur urbain.
Tu marchais sur leurs abords non cultivés où quelques herbes hautes poussaient encore en cette saison. De là tu pouvais embrasser le village que tu aimais. Tu l’aimais parce qu’il avait vécu, qu’il y reste encore des traces de sa vieille histoire. Celle d’une campagne. Et c’est là que tu les apercevais ces lumières. Celle de la vie des Hommes qui s’y blottissent contre.
Au loin tu distinguais la lumière criarde d’une imposante construction posée sur un promontoire qui domine le coin et qui devait démontrer le pouvoir de ses occupants.
En avançant dans le chemin, le ciel s’assombrissait et tu te faisais une joie. La joie de le voir empli de ces nuages qui se tirent en longueur. Tu ne distinguais des maisons que leurs vagues découpes au milieu de la silhouette des arbres. Des chênes, des peupliers… Quelques derniers promeneurs se hâtaient de rentrer à l’heure. Autorisation oblige sans doute.
C’est par un détour que tu revenais en ville, parmi ces quelques maisons perchées sur le plateau. Quelques lampadaires blafards projetaient leurs lumières ici et là. Un chat roux traversait nonchalamment la rue et quelques derniers corbeaux encore actifs croassaient. Tu n’étais rien pour eux, qu’un être parmi les autres. Ce petit rien parmi la multitude. Cette langueur te plaisait, tu faisais un avec elle. Elle était en toi, encore. Et cette communion t’était douce.
En descendant par la rue sombre tu sentais la ville te prendre dans ses bras. Elle était bien calme et tu n’entendais que le bruit de tes pas peu pressés. Tu pensais. Tu pensais encore à tes tourments et tes bonheurs passés. Prenant une autre rue, bordée de maisons tranquilles, tu voyais s’approcher l’église. Pourquoi tu l’aimais, toi le mécréant ? Bien souvent pourtant tu l’avais observée. Dès le matin, par n’importe quel temps, elle se montrait par la fenêtre du toit où tu dors. Et tu ne t’en lassait pas. Elle est belle. Et puis, elle fît tinter ses cloches et cela te rappelait celles de cette lointaine campagne de ton enfance où se répondaient l’une l’autre au loin. Elle, elle se montrait éclairée pour souligner sa vieille beauté.
C’est par ce petit défilé sombre et mystérieux la nuit, élégant le jour que tu rentras.