Sacré Aristote qui savait combien la marche était propice au déroulement de la pensée. Je suis, depuis toujours, un péripatéticien pratiquant et très régulier, J’arpente sans fin les rues des cités, les chemins des campagnes… Malheureusement, cela ne m’a pas été beaucoup permis ces derniers temps, en tous cas pas avec mes habituels compagnons de divagation. Il faut dire que les relations se sont réduites drastiquement, en tous cas pour moi, ces derniers mois. Par la faute de ce satané virus, mais pas que sûrement. Même si l’on peut enfin sortir à loisir en journée, marcher seul n’est pas aussi fructueux, mais c’est apaisant. Ce qui est toujours bon à prendre par les temps qui courent. Alors, moi qui aime tant l’hiver, je ne me suis pas fait prier puisqu’en plus la neige était tombée abondamment durant la nuit d’avant-hier à hier.
Sitôt franchi la porte, je n’avais pas fait cent pas que déjà le froid m’a saisi. L’air boréal qui descend en un gigantesque tourbillon par dessus le continent en glace tout le nord. La neige était donc bien conservée même si par endroit, le soleil avait fait son œuvre. Le ciel bien dégagé était d’un bleu azur magnifique comme seul janvier sait les produire :
Cette vue promettait de jolis contrastes, ceux des ombres longues de saison qui voisinent l’éblouissement des rais perçants. Sur le sentier, le soleil illumina mon chemin et me chauffa le dos :
Marcher dans la neige n’est pas très aisé, la progression est toujours très ralentie. En tous cas, il faut croire que les chevaux se satisfont du peu de chaleur diffusée car les températures sont très basses aujourd’hui :
Les semaines précédentes ont été très pluvieuses, le sol était donc gorgé d’eau. Les nappes débordaient partout et les rus sortaient de leurs lits de tout leur long. Les sous-bois étaient largement détrempés lorsque le froid est arrivé et tout s’est figé d’un coup. La moindre flaque se croyait patinoire :
La neige ensevelissait tous les petits détails qui d’habitude trompent l’œil et ne permettent pas de bien voir les petites traces qui parsèment les sous-bois. Cette fois, ils apparaissaient bien plus nettement en laissant l’alignement des arbres se faire découvrir :
Le moindre abri de chasse se prétendait Datcha et faisait preque envie :
Les étangs débordaient mais étaient figés par le gel prononcé. Tout autour, des mares de glace se faisaient voir, l’une derrière l’autre, indénombrables :
À la Mare aux Loups, nul pêcheur évidemment, mais un tronc qui s’imaginaient crocodile à l’affût était pris dans la glace et me narguait «viens me chercher, dégonflé !» :
Je ne me suis pas senti capable de tester la résistance de la glace. Je me suis contenté de regarder ce qui m’était offert et j’ai tenté de le capturer tant que j’ai pu :
Ici et là, quelques touffes d’herbes se sont faites poils de barbe :
En ce jeudi, je n’ai pas rencontré grand monde, d’autant que j’ai bien pris soin, comme à mon habitude, de rechercher les chemins les moins pratiqués. Comme en cette saison tout demande un certain effort, cela ne m’a pas été trop difficile; visiblement beaucoup ont vite renoncé à s’enfoncer trop loin dans les bois. Et, j’étais donc seul avec les arbres et le vent. Ce dernier ne faisait de bruit que dans les pins sylvestres qui gardant leurs épines font siffler l’air qui y passe. Parfois, quelques oiseaux téméraires se faisaient entendre; j’ai aussi vu leurs traces sur la neige fraîche.
Quelques bûcherons besogneux travaillaient dans le froid. Je les ai entendu de très loin, j’ai senti l’essence de leurs machines plus près, vu leurs œuvres à leurs côtés :
Compagnons d’infortune, prisonniers de l’hiver, nous nous sommes chaleureusement salués.
Sur Clairefontainte, comme d’habitude le charme opéra à l’Étang du Pavillon :
Les canards se prennaient pour des aéronefs intercontinentaux, volaient en formation et cancanaient à qui mieux-mieux :
J’ai pris le centre-ville — un bien grand mot pour ce village — afin d’y retrouver des forces en avalant un sandwich — acheté dans la charmante boulangerie — au bord de l’Étang de Vilgris où les bernaches m’ont bien cassé les pieds.
Pour le retour, j’ai pris la sente des bruyères pour faire le tour de Montjoie et tiré droit vers Rochefort par le Robert Joly. Des chênes du Saint-Benoît, aux pins de la Poussarderie, je suis passé aux bouleaux des Bruyères :
Avant de retrouver les pins et leur charme si particulier :
Une fois sur les bois de Rochefort, il n’était plus possible d’avancer, une chasse au gros gibier était en cours. Cette fois, je n’avais nulle envie de me retrouver encore en joue d’un fusil à lunettes. J’ai repris le GR et suis rentré d’un pas bien cadencé.
Une bonne randonnée qui m’a bien fait travailler, la neige aidant, les cuisses…
20.